« Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée… »
Le cri de détresse de l’Abbé Pierre, prononcé sur les ondes le 1er février 1954, résonne encore douloureusement : pour sa parution à date anniversaire, le rapport annuel sur l’état du Mal-Logement en France met l’accent sur la situation de détresse des femmes, soulignant que notre pays ne peut guère, 69 ans plus tard, s’enorgueillir d’une évolution favorable sur cet enjeu.
Le constat est sans appel : « Face au logement, être une femme affecte considérablement les risques de subir diverses dimensions du mal-logement ». Il apparaît ainsi que les mères célibataires sont deux fois plus affectées que la population générale. Depuis une dizaine d’années, le nombre de femmes à la rue, enceintes ou avec des enfants (y compris des bébés) a fortement augmenté, ce qui selon le rapport de la Fondation Abbé Pierre « vient conforter l’hypothèse d’un affaiblissement de la protection que conférait le statut de mère isolée. »
Le territoire de la Métropole de Lyon ne fait pas exception à ce sombre tableau, puisque sur les 95 ménages que le collectif « Jamais Sant Toit » a recensés comme étant à la rue à ce jour, 29 sont des femmes isolées avec enfants, soit près d’un tiers, et deux d’entre elles sont enceintes. Dans la seule ville de Lyon sur les 47 ménages sans-abri, 15 sont des mères isolées et une d’entre elle est enceinte. Ces chiffres indignes n’ont quasiment pas baissé depuis début décembre, alors que par le passé ces publics vulnérables étaient pris en charge en urgence par les pouvoirs publics.
Par ailleurs, le rapport de la Fondation Abbé Pierre déplore que, lorsqu’elles existent, les solutions d’hébergement soient « très largement pensées pour un public masculin ». Plus exposées aux violences de la rue, les femmes sans abri ont pris l’habitude de se dissimuler davantage dans l’espace public, et il est probable que leur décompte soit ainsi sous-estimé. La surreprésentation des hommes seuls entraîne une inadaptation des dispositifs aux problématiques des femmes, et la question de la mixité dans les structures d’hébergement peut légitimement se poser. Le rapport s’inquiète également du nombre croissant de femmes qui quittent la maternité sans solution d’hébergement.
Depuis mars 2021, la Métropole de Lyon, qui agit au titre de la protection de l’enfance, développe des villages de « tiny houses » pour résorber le sans-abrisme des femmes seules avec enfant de moins de 3 ans. Mais ce dispositif, pensé seulement comme une solution temporaire, rencontre ses limites. En cette journée internationale des droits des femmes, le collectif « Jamais Sans Toit » appelle l’ensemble des pouvoirs publics à se saisir à bras-le-corps de cette question, et pour commencer, à augmenter au plus vite les places d’hébergement d’urgence, à faciliter les procédures de régularisation et l’accès au logement social, notamment pour les femmes contraintes de quitter le logement conjugal. Dans un pays aussi riche que le nôtre, la situation misérable de ces mères est inacceptable et déshonorante.
À l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre, le collectif « Jamais Sans Toit » sera présent lors du rassemblement qui se tiendra place Bellecour à Lyon mercredi 8 mars à 17h.
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