Le sans-abrisme infantile s’est développé de manière exponentielle au cours de la décennie écoulée, et a littéralement explosé depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire. Ainsi, chaque jour, les salles de classes accueillent en leur sein des enfants qui ont passé la nuit dehors et dont les besoins fondamentaux en termes de santé et de sécurité ne sont pas satisfaits. Cette situation dramatique est totalement incompatible avec le suivi d’une scolarité normale. Afin de mieux saisir l’ampleur du phénomène, il est sans doute utile de préciser que plus d’un tiers des 208 écoles maternelles et élémentaires de la ville de Lyon est affecté par le sans-abrisme des élèves.
Un tournant philosophique essentiel avait été pris avec l’adoption de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République : celle-ci promouvait une approche globale de l’enfant, et ce terme d’« enfant » y figurait pour la première fois, soulignant clairement que ce dernier n’était plus seulement considéré comme un « élève ».
A ce titre, la Ville de Lyon a d’ailleurs doté tous les groupes scolaires d’un service médico-social. Soucieuse du bien-être des enfants dont elle a la charge, L’Éducation Nationale a également développé à partir de 2019 le dispositif des petits déjeuners en REP, considérant que l’accès de tous les élèves à un petit-déjeuner équilibré est « une nécessité pour garantir l’égalité des chances entre les enfants et lutter contre les privations matérielles dont ils sont victimes. »
Pourtant, les personnels sont chaque jour confrontés à la détresse de ces enfants qui n’ont pas de logement ou qui vivent en squats ou en bidonville et à qui il arrive de dormir en classe, qui suivent tant bien que mal une scolarité en pointillés et manifestent une grande souffrance psychique. Ce phénomène constaté au sein des classes par les personnels a depuis fait l’objet d’études officielles et est très sérieusement documenté, comme en témoigne entre autres la publication à l’automne 2022 du rapport conjoint établi par l’UNICEF et le Samu Social de Paris.
Les enseignants se retrouvent totalement démunis et seuls, en première ligne face à des situations de misère absolue qui les dépassent et qui engendrent une terrible souffrance au travail. Si celle-ci est prise en considération par les organisations syndicales et les fédérations de parents d’élèves, elle n’est pas reconnue par l’administration qui fait comme si ce phénomène n’avait aucun effet sur la réussite des élèves ou sur la santé des personnels.
En cette Journée internationale de l’éducation, nous avons l’honneur de solliciter une audience pour aborder avec vous la problématique du sans-abrisme infantile et la manière dont l’Education Nationale pourrait y faire face.
Veuillez croire, M. l’Inspecteur d’Académie, en notre attachement au Service Public d’éducation et à la réussite de nos élèves.
Le collectif Jamais Sans Toit