Femmes sans abri ou mal-logées, militant.es, allié.es, travailleuses sociales, nous nous sommes réunies pour dénoncer la situation, souvent dérobée aux regards, des femmes et enfants sans domicile, et pour y mettre fin.
Chaque semaine dans la métropole lyonnaise, près de 3000 appels sont passés au 115 par des personnes sans abri pour demander un hébergement. L’immense majorité n’aboutissent pas. Sur ces appels, 1 personne sur 10 est un enfant de moins de 3 ans, 1 sur 3 a moins de 18ans.
Il existe seulement 13 places d’urgence à la nuitée pour les femmes seules dans toute la métropole, et les centres sont inadaptés pour les familles (manque de place, d’intimité). Le délai moyen d’attente pour un hébergement d’urgence est de 2 à 5 ans et 10 000 personnes sont en attente d’un hébergement. Le circuit de l’hébergement d’urgence est tellement saturé que même les enfants porteurs de handicap ne sont pas pris en compte.
La part de femmes isolées, de familles et de mères célibataires augmente plus que jamais :
En 2012, 38% des personnes sans domicile étaient des femmes. D’après la fondation Abbé Pierre, leur chiffre augmente mais reste sous-estimé car elles se cachent pour échapper aux violences, et recourent plus souvent à l’hébergement chez un.e tiers, parfois contre service domestique ou sexuel, ou avec violences. Les personnes LGBTQI+ sont elles aussi de plus en plus touchées par ces problématiques.
« J’avais trop peur en tant qu’une femme et peur pour mon fils »
Être à la rue est un épuisement et un stress constant. C’est surveiller toute la nuit, avoir froid, se faire voler ses affaires, se lever à 5h30 pour ne pas être délogé.es par la police ou la sécurité, marcher et porter ses affaires toute la journée, ne rien pouvoir stocker, ni la nourriture, ni les affaires, ni les jouets.
C., mère d’un enfant de 3 ans : « Je dormais dehors à Perrache, où mon fils est scolarisé. J’avais trop peur en tant qu’une femme et peur pour mon fils car il faisait super froid. J’avais des couettes que le 115 me donnait, de la nourriture chaude et du café la nuit. Moi je ne dormais pas, je surveillais juste mon fils. »
« Je veux pouvoir travailler et avoir un chez moi pour mes garçons. Ils sont épuisés. »
Être hébergée chez un.e tiers, c’est ne jamais avoir d’intimité. C’est se faire petite, avoir la sensation de déranger. C’est être isolée des institutions, des associations, des réseaux d’entraide.
R., mère de 2 enfants de 9 et 12 ans, hébergée chez des cousins. L’appartement est très exigu. R. dit « je veux pouvoir travailler et avoir un chez moi pour mes garçons. Ils sont épuisés. Le petit s’endort à l’école. Je veux que le grand retourne vite à l’école. Sans logement nous ne pouvons pas avancer ».
A., mère de deux filles, loge chez une copine qui est sympa mais pas son mari, il leur interdit parfois de prendre des douches.
« C’est des chambres de passage, tu viens tu sors… »
Être hébergée à l’hôtel, c’est se retrouver seule après avoir accouché, avec son ou ses enfants, loin de tout. Et les visites sont interdites. C’est ne jamais savoir si on va pouvoir rester une semaine ou un mois. C’est ne pas pouvoir cuisiner, laver ses habits, ne pas pouvoir stocker de la nourriture, pas même avoir un micro-onde pour chauffer le biberon du bébé.
La métropole met à l’abri à l’hôtel les femmes qui viennent d’accoucher (souvent après avoir passé toute leur grossesse à la rue). La plupart du temps, elles se retrouvent très isolées, les pères ne sont pas acceptés dans les hôtels et restent à la rue ou en squat. Les hommes aussi doivent être hébergés, la rue est dangereuse pour tout le monde !
D, mère d’une petite fille de 15 mois : Dans son hôtel, pas de frigo, pas de cuisine, pas de micro-onde, pas de machine à laver. Sa fille a des problèmes de santé. Pendant 6 mois, elle n’a eu ni CAF, ni ADA. Elle touche le RSA et doit payer 10% du prix de sa petite chambre : « c’est des chambres de passage, tu viens tu sors, mais pour les familles… je voulais acheter un petit frigo, y a même pas de place, et de toute façon je sais même pas si ils vont accepter »
» J’ai fui mon foyer avec mon bébé parce que mon mari commençait à me menacer, il est devenu violent «
« 80 % des femmes victimes de violence sont hébergées dans des dispositifs qui ne sont pas adaptés à leur situation et près de 40 % des femmes victimes de violences en demande d’hébergement seraient sans solution (30 % des femmes avec enfants et la moitié des femmes sans enfants) » rapport Fondation Abbé Pierre, 2023.
Les collectifs dénoncent la vague d’expulsion de squats et des camions de Gerland où vivaient et travaillaient des centaines de personnes, des menaces sur les campements, la remise à la rue imminente de 80 familles, le refus d’hébergement de mineur.es isolé.es, un accès aux soins et aux droits de plus en plus entravé …
La Préfecture, la Mairie et la Métropole doivent agir !
Loger tout le monde, en prenant en compte les besoins spécifiques des femmes !
augmentation des prix et des loyers, adoption de la loi anti-squats, annonce de nombreuses remises à la rue, fermeture de places d’hébergement, malgré les orages et les vagues de chaleur. Ça suffit !
Revendications :
- mettre à disposition et réquisitionner des bâtiments (18 000 sont vacants dans la métropole)
- régulariser toutes les personnes sans-papiers ne pas expulser et attaquer en justice les squats ; ils pallient les carences des institutions
- arrêter la mise à l’abri à l’hôtel et ouvrir des places d’hébergement et dispositifs adaptés
- former les travailleur.ses sociales et élu.es aux violences sexistes et sexuelles notamment en contexte de précarité résidentielle, et concevoir l’hébergement comme une priorité pour sortir de situations de violences ou prévenir de nouvelles situations de violence sexiste, sexuelle ou conjugale.
- prendre en compte les demandes d’autonomie des personnes et favoriser les collectifs choisis (vie en colocation, en famille, en groupe) qui favorisent l’entraide et l’accès aux droits
Signataires : Le Droit Au Logement 69, L’intersquats, Jamais Sans Toit, Le planning familial 69, Soutiens Migrants Croix Rousse
Contact presse :
Juliette 06 89 34 50 65