Avant l’été, le gouvernement – par la voix de l’ancien ministre du Logement Olivier Klein – avait réaffirmé son engagement : « Notre priorité est claire : zéro enfant à la rue ! ». A quelques jours de la rentrée scolaire, cette promesse semble lointaine : selon les chiffres du baromètre de l’UNICEF France et de la Fédération des acteurs de la solidarité au 22 août, 1990 enfants étaient sans solution de logement, soit 20% de plus que l’année passée et 2,5 fois plus qu’en janvier 2022. Le nouveau chiffre paru ce jour pour la nuit du 28 août révèle un nouveau record : 2323 enfants dont 578 de moins de 3 ans étaient à la rue à cette date. Le Collectif des Associations Unies, l’UNICEF France, Jamais sans toit, la FCPE et Ecole pour tous sont très inquiets de voir la situation des enfants à la rue se dégrader au fil des mois. Nous demandons une augmentation du nombre de places d’hébergement d’urgence, le maintien de la scolarité pour les enfants et l’accès au logement le plus rapidement possible des familles sans domicile.
Cette augmentation est confirmée par les observations des parents et enseignants du réseau Jamais Sans Toit : dans la métropole de Lyon, c’est au moins 400 enfants à la rue ; 3 fois plus que l’été dernier et 6 fois plus pour la seule ville de Lyon. Dans l’agglomération grenobloise, 400 enfants ne bénéficient pas d’un hébergement stable, dont 230 dans la seule ville de Grenoble. La FCPE, partenaire du réseau depuis sa création, partage ce constat et demande un renforcement de la communication avec les Services académiques d’information et d’orientation (SAIO) afin de mieux repérer les enfants concernés.
Le témoignage de Mme Mickaël, accompagnée par Jamais sans toit à Ivry-sur-Seine (94), est révélateur de la difficulté croissante des parcours de l’hébergement au logement :
« Je vivais dans une chambre d’hôtel insalubre de 9m2 sans commodités avec mes deux enfants. Quand ma fille a eu 3 ans, j’ai reçu une fin de prise en charge. Grâce à une pétition lancée par le collectif, j’ai obtenu un prolongement jusqu’en décembre. J’ai ensuite eu un logement relais par une association du département ; mais en avril, l’association a fermé et on ne m’a pas proposé d’autre logement car je n’avais pas assez de revenus. Si j’ai perdu mon travail, mon logement et tous mes droits, c’est à cause du retard de délivrance de mon titre de séjour… Je me retrouve donc encore à l’hôtel avec mes deux enfants, dont un en situation de handicap. On avait enfin espoir d’avoir un logement, c’est difficile pour les petits de se retrouver de nouveau dans ces conditions »
L’UNICEF France rappelle que, en laissant des enfants dormir dans la rue, des abris de fortune ou des hébergements inadaptés, l’Etat français ne respecte pas les droits et principes fondamentaux inscrits dans la Convention internationale des droits de l’enfant. “Comment les enfants peuvent-ils vivre sereinement leur scolarité en passant la nuit dans la rue ou en vivant dans l’instabilité permanente de leur lieu d’hébergement ?”, interpelle Adeline Hazan, présidente de l’UNICEF France. Pour Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité et porte-parole du CAU : “Il est urgent de garantir un accompagnement global à ses enfants, sans rupture, en considérant les besoins spécifiques de chacun d’entre eux et en mettant à disposition des structures d’accueil et d’orientation, les outils et financements appropriés.”
Le collectif Ecole Pour Tous constitué de jeunes habitants en bidonvilles, squats, hôtels sociaux ou à la rue, issus des communautés du Voyage, mineurs isolés étrangers et jeunes majeurs, alerte sur les expulsions des lieux de vie précaires et les difficultés administratives qui privent de scolarité plus de 100 000 enfants chaque année en France. Le collectif demande la mise en place d’une “trêve scolaire” pour protéger des expulsions les enfants scolarisés et leurs familles vivant en grande précarité.
Cette hausse historique du nombre d’enfants à la rue est le résultat d’une crise générale qui frappe le secteur de l’hébergement. Avant l’été, les signaux de fermetures de places et de baisse des budgets nous laissaient craindre le pire. L’été a été rythmé par des remises à la rue sèches de personnes hébergées en hôtel, comme à Toulouse où le 25 août, 352 personnes dont 151 enfants avaient été expulsées de leur hôtel sans solution. Après le centre d’hébergement d’Argenteuil, c’est celui de Roissy-en-Brie qui a fermé le 31 juillet, renvoyant les 60 résidents vers le 115, déjà saturé, et ce, alors qu’une canicule historique frappait le pays. A Ris-Orangis (91), un bidonville est menacé d’expulsion suite à la prise d’un arrêté par la commune au 30 août, 4 jours avant la rentrée scolaire. 12 enfants risquent de ne pas retrouver le chemin de l’école.
Dans ce contexte, chaque réduction de place et de budget est une atteinte supplémentaire au droit d’accès inconditionnel à l’hébergement. Nous demandons un renforcement de la politique du “Logement d’abord”, l’instauration de la “trêve scolaire” et une augmentation du nombre de places d’hébergement, à un niveau à la hauteur des besoins sur le terrain. Le nouveau ministre du Logement Patrice Vergriete dit partager cette volonté, nous veillerons à ce qu’elle soit accompagnée de moyens.
Contacts presse :
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Estelle Flabat, UNICEF France, eflabat@unicef.fr / 01 44 39 77 80 / 06 50 34 64 77
Carine Spinosi, UNICEF France, cspinosi@unicef.fr / 06 78 72 77 34