Lettre publique des occupantes du gymnase Bellecombe (Lyon 6e) du 25 juin 2023


On veut pas mourir dans la rue !
La nuit c’est grave, il y a des  bagarres, on risque des agressions. Le corps est fatigué. Dans la rue,  on a toujours la même position, toujours semi assise, semi allongée. On  a besoin d’un lit. On peut pas travailler si on dort dans la rue. On  peut rien faire. Certaines mères doivent mettre leurs enfants dans des  foyers, et elles restent à la rue. Parfois les hébergements c’est que  pour les mères et enfants, et les pères restent à la rue. Avoir un  logement c’est rassembler les familles, éviter les séparations, être  avec ses enfants et ne pas avoir à les confier à quelqu’un d’autre ou à des foyers.

Comment les enfants vont grandir sous les tentes ? Les enfants disent : « Si les copains nous voient là  à la rue ou dans le gymnase, ils se  moquent de nous ». « J’ai envie d’avoir une maison pour travailler, dans  la rue je peux pas faire mes devoirs. ». « Être à la rue c’est trop dur.  Si on sort, on va rester au soleil, on va avoir mal à la tête. Dans la  tente, on a mal à la tête parce qu’il fait chaud. » Quand on est un  enfant à la rue, on est pointés du doigt par les autres. Et puis  l’école, c’est très exigent pour les enfants. Comment un enfant qui dort  à la rue peut avoir les mêmes capacités que les autres enfants ? Qui  peuvent manger avant d’aller à l’école ? Qui ont une table pour faire  les devoirs ? Quand la nuit y a les rats, quand on dort pas, quand il  faut se lever à 5h45 pour pas se faire chasser ?

Y a des gens qui disent « si vous êtes pas contents, rentrez dans votre  pays ». On ira nulle part ! On a des parcours différents, des origines différentes, mais on a toutes nos raisons d’être là. Quand on dit aux gens qu’on est à la rue en France, on nous dit « c’est pas possible,  vous devez pas être encore arrivée en France ». La situation actuelle,  c’est que la France est tombée très bas. On veut l’empêcher de tomber  encore plus bas !

Depuis le jeudi 22 juin, on est venues au gymnase pour avoir une maison. Il y a beaucoup d’enfants, des femmes, des parents, beaucoup de  personnes malades ou handicapées. C’est pas facile pour tout le monde de vivre en collectivité, mais on s’entend bien, on s’entraide, et c’est  mieux que la rue. Au moins ici, les enfants peuvent jouer et faire du  bruit. Mais il fait très chaud, on a pas d’intimité, c’est stressant. On  dort sur les tapis de sport. On veut pouvoir garder des choses au frais,  on a besoin d’un frigo, d’un micro-onde, au moins. Y a rien ici, y a que  les collectifs qui nous aident. Et les autres enfants ont besoin du  gymnase pour faire du sport. L’accord de rester ici, ce n’est pas suffisant. On a besoin d’être hébergées le plus vite possible.

Nous on est là mais y a d’autres familles qui sont encore à la rue. On  a les mêmes problèmes, la même situation, on a toutes des enfants. C’est pas juste ! Quand on est arrivées, la mairie a fait une liste avec nos  noms pour nous chercher de l’hébergement. On veut faire notre propre  liste pour pas que ce soit par chance, parce que l’hébergement c’est un  droit pour tout le monde !

On ne veut pas des hôtels qui sont comme des déchets. A l’hôtel, il n’y  a pas de cuisine, pas de frigo, pas de machine à laver, pas d’ascenseur.  Y a pas de places pour une famille, tu peux même pas te croiser dans la  chambre. Et puis, si on accepte d’aller à l’hôtel, c’est jusqu’à quand ? L’hôtel ce n’est pas définitif. Un jour on t’appelle et on te dit « ce  soir tu sors ». On ne veut pas d’hôtel car on ne sait jamais. On va y  aller, et puis se faire sortir dans deux semaines, et puis quoi, on retourne à la rue ?

On a besoin d’une maison normale, que les enfants dorment dans un lit. On veut un appartement plus qu’un hôtel, avec une chambre, un salon, un  endroit où faire sa propre cuisine. Surtout si les enfants sont malades. On veut un logement d’abord, pour être en bonne santé, et le reste viendra. On ne veut pas avoir tout gratuit, on ne veut pas dépendre  d’associations, ce qu’on veut c’est être autonomes, avoir le droit de  travailler, pour avoir nos propres appartements. Ici on s’en fiche si  les gens ont des papiers ou pas. On veut un logement et le droit de travailler pour tout le monde !

Nous on est à la rue alors qui y a pleins de bâtiments vides, on le sait, on les voit ! Pourquoi la mairie, la Métropole, la Préfecture ont beaucoup d’appartements fermés et nous on dort dehors ? C’est préférable  que les souris dorment dedans, plutôt que les personnes ? On est des  personnes oubliées, mais on a droit à un hébergement.



On veut décider nous-mêmes de l’organisation du gymnase !
On veut que toutes les personnes, les femmes, les familles à la rue soient hébergées !
On veut des hébergements, des solutions adaptées, près des écoles des  enfants, on veut que ce soit durable, sans expulsion, jusqu’au logement, avec ou sans papiers !
On veut des engagements écrits des élues, pas des promesses et des paroles !

On reste au gymnase et on luttera jusqu’à ce qu’on ait toutes un hébergement !





Signatures :
Collectif Solidarité Femmes sans Logement

Hassani
Enkelejda
Sibora
M’mharry
Leszek
Akissi Sandrine
Brou Jean-Jacques
Bibiche
Siheia
Catarina
Nadjet
Lina
Melinda
Sophie
Fatima
Salam
Véronique
Camille
Juliette
Anne-Marie
Clara
Fanny
Séverine
Nadia
Aimée
Madalena
Elona
Mabroouk
Njoud
Samia
Rim
Hanane
Naouel
Danielle
Aïcha
Mamadou
Marie-Jose
Fatoumata
Aïssata
Oriane
Khadra
Fanny
Lemmy


Collectifs soutiens :
Jamais Sans Toit, Droit au Logement 69, Le Planning Familial,
L’intersquats 69, Collectif Soutiens Migrants Croix-Rousse

contact presse :

Juliette 06 89 34 50 65